
Un Endurathlon Audacieux
2025-07-23Le challenge Tourmagne c’est quoi?
L’histoire du challenge Tourmagne commence en 1897 lorsque deux amis décident de partir de Paris, de traverser l’Auvergne et les Cévennes pour aller jusqu’à Nîmes à “bécane”. La première étape, Paris-Melun, est effectuée en train, les 9 autres journées sont consacrées à pédaler et pousser leurs machines. L’un, Léon Giran-Max, est illustrateur, il tiendra donc le crayon, l’autre, Marie-Antoine Barret, la plume et ils vont raconter leurs aventures.
Ces feuillets n’ont sans doute jamais été publiés et sont restés dans l’oubli, jusqu’à ce qu’un libraire Parisien les propose à Patrice Brunet (ex PDG de Zefal) qui les confie à un journaliste de l’Équipe, Serge Laget, pour en faire un livre. A la lecture de ce récit, Matthieu Brunet (fils de et actuel PDG de Zefal) décide en 2022 avec une bande de copains de créer un challenge Gravel, en restant fidèle au parcours de Giran-Max et Barret. Voilà comment ce challenge a vu le jour, pour le plus grand bonheur de ceux qui s’y engagent. Le Gravel étant sans doute le vélo le plus proche de l’esprit de l’époque. Avec un Gravel en effet, on peut passer presque partout.
Le challenge Tourmagne est donc une randonnée permanente, l’inscription auprès de l’association Tourmagne est gratuite (https://tourmagne.bike/). Pour valider le challenge et passer de Challenger à Lauréat, il faut impérativement partir de la gare de Melun, aller jusqu’à la tour Magne à Nîmes (sans jeu de mot), suivre à 98% minimum la trace GPX fournie et enfin avancer cette trace au minimum de 50 km par tranche de 24h. À la fin, quand vous réussissez ce challenge, l’association vous offre le livre “De Paris à la Méditerranée en 1897 à travers l’Auvergne à bécane”.


Mon challenge Tourmagne
Depuis quelques mois, je consultais les sites, regardais les vidéos notamment celles de la chaîne Gravel & Bike, mais à un moment, il faut se décider. Je profite donc pour me lancer dans cette aventure de l’organisation, pour la 2ème année consécutive, d’un Brevet Gravel Tourmagne organisé par l’Audax Club Parisien, avec départ le 6 septembre et 156 h max pour le valider.
Rendez-vous le vendredi 5 à Melun où la ville a mis gracieusement à disposition une salle où des lits picots ont été installés, prêtés par l’école de gendarmerie. Matthieu Brunet (Zefal) est présent et nous remet un Food-Pouch et un bidon siglés du challenge ainsi qu’un petit flacon de cire. L’Audax Club Parisien, représenté par Élisabeth Lavaill prend en charge le petit déjeuner. Sur les 29 inscrits qui prendront le départ, une petite vingtaine dort sur place, l’occasion de partager un dîner et de faire connaissance.

Jour 1 / Melun à La Charité-sur-Loire (217 km)
Départ à 7h après la traditionnelle photo. Sans chauvinisme aucun, la tenue Audax Lavallois est quand même la plus remarquable. 😏
Dès la sortie de Melun, le parcours s’engage dans la forêt de Fontainebleau, longe la Seine, le Loing, passe à Nemours, Montargis, Rogny les Sept Écluses, au milieu des coteaux des vignes du Sancerrois. L’arrivée à Sancerre est particulièrement difficile, un chemin très pentu et caillouteux, le long du cimetière. Des 4 à 5 cyclistes qui roulent dans mon champ de vision, seul Richard Léon, sur son vieux VTT des années 90 équipé d’un cintre route, avec très peu de bagages se hasarde à passer cette difficulté à vélo. Richard, extraordinaire personnage, 71 ans, 11 Paris-Brest-Paris validés, des voyages à vélo sur différents continents, une vie de cycliste incroyable.
J’ai prévu de m’arrêter à La Charité-sur-Loire (217 km), afin d’en profiter pour valider mon Dodécaudax de septembre. Première nuit où l’on se partage une maison avec Richard, Julien (remarque pour les Audacieux: toujours rouler avec un Julien), ainsi qu’Éric et Mickäel que je ne reverrai plus avant leur arrivée le vendredi à la tour Magne 30 mn avant la barrière horaire des 156h.




Jour 2 / La Charité-sur-Loire à Ébreuil (177 km)
Départ à 7h avec Richard, puis après l’arrêt boulangerie, je roule seul sur un chemin agricole, une montée au milieu des champs, vent de face, où sont passées les haies?!? Puis la trace plonge et remonte dans une magnifique forêt sombre, une ambiance étrange, mais un vrai bonheur de rouler sur ces pistes souples et légèrement boueuses. Après Nevers, la trace suit le Canal latéral à la Loire puis bifurque vers le sud-ouest pour rejoindre l’Allier, Moulins, Charroux (BPF) et enfin ma destination finale de la journée, Ebreuil. Dans la journée, les températures sont montées à 34°C, ce ne sera plus la même chose les autres jours.




Jour 3 / Ébreuil à Massiac (173km)
Entre Ébreuil (Allier) et Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), impossible de se ravitailler, il faut donc faire le plein avant de partir. Je commence la longue montée vers la chaîne des Puys avec Jean-Marie, trentenaire Nantais qui abandonnera en fin de journée, n’ayant pas de bonnes sensations, victime des mauvaises conditions météos et d’un moral absent. En effet, on commence la journée sous un petit crachin. Quand je ratrappe Richard sur les parties techniques, celui-ci, fort de sa longue expérience me dit “Tu as mis ton imper? Pas moi, ça ne va pas durer”. Je dois avouer, que malgré tout le respect que je lui dois, ce n’est pas un expert de la météo😁. Je vais arriver trempé à Clermont-Ferrand après la descente de la route du Puy-de-Dôme, à tel point que je vais m’arrêter chez la première coiffeuse pour me sécher. Après une pause déjeuner, je repars sous la pluie qui heureusement finit par se calmer et c’est sous un ciel gris, sur des chemins collants et des petites routes que je rejoins Massiac (Cantal) via Montpeyroux, Issoire, et le long de l’Alagnon.




Jour 4 / Massiac à Saint Flour (88km)
La journée d’hier a laissé des traces, en effet, ma lampe arrière a pris l’humidité et ne fonctionnait déjà plus après Clermont. Et ce matin, c’est ma lampe (K-Lamp) avant qui ne veut rien savoir. Rappel pour la prochaine fois, prévoir une lampe de secours avant et arrière. Heureusement, il me reste ma frontale que je positionne à l’arrière du casque en lumière rouge clignotante et mon gilet réfléchissant. Ce matin, au programme, il y a une vingtaine de km en montée sur route dans le brouillard avec le passage au col de Combalut (1194m) pour atteindre le massif du Cézallier. Autant dire, que je n’ai pas vu grand-chose de ce magnifique plateau. Après 10h, le soleil se lève enfin, la trace descend vers le lac de Pêcher et Murat (BPF). J’essaie auprès du vélociste du coin de me dépanner en lumière, mais il n’a plus rien en stock! La journée se poursuit avec une succession de montées autour des 1000-1300m d’altitude dans des chemins bien rocailleux. Arrivé à St Flour (Cantal), je tente ma chance à nouveau auprès des 2 magasins de vélo. En bas du village, je constate que ceux-ci sont fermés car en vacances!! Je décide donc de dormir à St Flour, mon hébergement est à 1km, en haut du village, soit 100m de D+!!!! Second rappel pour la prochaine fois, téléphoner avant de se déplacer.





Jour 5 / Saint Flour à Mende (170 km)
Après l’habituel ravitaillement, départ de Saint Flour, dans l’obscurité et le brouillard, ça faisait longtemps!!! Je suis rejoint par Alex (remarque pour les Audacieux: toujours rouler avec un Alex), que j’avais juste aperçu au départ à Melun et l’on roule ensemble pendant quelques km, une belle montée, avant de descendre vers le viaduc de Gabarit qui doit être magnifique à observer sous le soleil 🙂. Ensuite la trace nous entraîne vers la Margeride, terre de la bête du Gévaudan et magnifique massif, sous un ciel qui se dégage enfin. Puis un arrêt à Saint Chély d’Apcher (Lozère) chez Vélo Passion afin de trouver un nouvel éclairage et dans le cœur du village pour faire le plein de ravitaillement, car sur les prochains 75 km, il n’y a aucun commerce. Notre chemin croise ensuite, à proximité de Saint Alban de Limagnole, les pèlerins de la via Podiensis (souvenir 🥲). On enchaîne avec une longue montée vers le col du cheval mort (1453 m) sur la route, puis passage à près de 1500m sur les pistes forestières, le lac de Charpal (1326 m) et enfin une descente abrupte vers Mende (Lozère). Sympathique dîner avec Thiti et Ludo, 2 Clermontois qui m’ont gentiment proposé de partager avec eux leur bon plan pour le couchage de ce soir. C’est ça aussi le plaisir de ce challenge en mode brevet, faire des rencontres, s’entraider, nouer des liens, partager. Une boucle Telegram ouverte aux participants permet d’échanger des infos, des problèmes sur la trace (travaux), de partager des bons plans. Il est également possible de partager sa position via le site GeoZÉFAL développé par Thierry Crouzet.



Jour 6 / Mende à la tour Magne (169 km)
Ça commence fort, puisque Mende étant dans une cuvette, on attaque directement, la montée Jalabert, soit 3 km à 11%. Avec un vélo qui pèse ≃ 20 à 21 kg, sous la pluie et le brouillard, il faut prendre son mal en patience. Alex me rejoint et me dépasse dans la montée vers les Cévennes. Plus malin, il ne transporte pas de tente ni de matelas. J’avais envisagé de bivouaquer certains jours, mais vu les conditions météo, ceux-ci resteront bien à l’abri dans ma sacoche arrière, merci quand même à Fred pour le prêt. Après une descente, la trace remonte à nouveau le long des gorges du Bramont sur un chemin difficile où je dépasserai Margaux qui monte à pied. Margaux, qui a bivouaqué seule, même les jours de mauvais temps, est une jeune voyageuse à vélo qui roule vraiment très très bien sur la route, mais qui manque encore de technique pour affronter les chemins plus difficiles. Nul doute que d’ici quelque temps, avec un peu d’expérience, elle sera de plus en plus à l’aise sur tous les terrains.
Passage à Florac (Lozère) sur le chemin de Stevenson, ou Alex a déniché un food truck qui fait de la cuisine asiatique, riz Cantonais et Samoussa à 10h du matin, cool 🙂. Quand on fait de la longue distance, l’alimentation est un facteur à ne surtout pas négliger. Après Barre-des-Cévennes (BPF), les difficultés sont presque terminées, place à une longue descente dans le Gard vers Anduze (BPF). Anduze où choisit de s’arrêter Alex, il veut arriver le lendemain en compagnie de Richard. Margaux, Thiti et Ludo croisés plus tôt, ont eux décidé de terminer l’aventure aujourd’hui. Cette option d’arriver le jeudi soir était celle que j’avais envisagée avant le départ. Je vais donc les rejoindre et l’on roule, le long du Gardon, sur des sentiers rocailleux au milieu des vignes des Costières de Nîmes, quelques petites grimpettes, des DFCI (défense de la forêt contre les incendies), le bois des Espeisses et enfin le “Chemin de tire-cul” (qui porte bien son nom) pour enfin arriver après ≃ 950km. La voilà, elle est là, la tour Magne, destination finale de cette aventure.








Épilogue
On est jeudi soir, mon train pour remonter à Laval n’étant que samedi en début d’après-midi, je vais pouvoir profiter d’une soirée amicale avec Thiti et Ludo. Et le vendredi, également aller à l’accueil des lauréats à la tour Magne, accueil (Apér’Audax) assuré par Élisabeth de l’Audax Club Parisien et également recevoir le livre de Léon Giran-Max et Marie-Antoine Barret.
Au final, 29 partants, 21 lauréats dont 18 présents le vendredi.
Des images plein les yeux, des souvenirs pleins la tête, des rencontres, merci Thiti, Ludo, Alex, Julien, Margaux, Joachim, Gonne, Richard, Stephàvélo.
Remerciements à:
Matthieu Brunet et à tous les bénévoles de l’association Challenge Tourmagne,
l’Audax Club Parisien et en particulier à Élisabeth.
Florian, rencontré lors d’un séjour Gravel en Espagne, merci d’être venu nous saluer et passer la journée avec nous.
Comme dit Thiti, maintenant le plus dur commence “Comment on redescend de cette aventure?”
Jean-Louis Duarté
ps: si vous avez envie d’en savoir plus avant de vous lancer dans ce challenge, n’hésitez pas à me contacter.
